24 juin 2008

Back to Europa

Les dernières journées en Afrique
Ici, ça sent l’exode depuis quelques temps, tout les européens s’apprêtent à quitter le pays pour fuire l’hivernage sénégalais (saison des pluies). Pour nous aussi le retour s’annonce. L’été arrive en Europe et il est grand temps pour les hirondelles que nous sommes, de regagner nos pénates. Par ailleurs, juin est la meilleure période naviguer vers les Açores, avec une baisse de l’alizé.
Nous profitons encore un peu des marchés de Dakar et découvrons la marché Castor : alimentation et fripes, ici on trouve de tout et pas cher. C’est surtout un lieu reposant où le toubab se fond au décor et n’est pas systématiquement harcelé.

La régate, c’est yachting !
Le dimanche suivant notre retour de Casamance, une régate est organisée par la fédération sénégalaise de voile entre la baie de Hann et l’île de Gorée. Malgré une nuit agitée au mouillage et le fort vent qui souffle avant le départ, nous prenons le départ. Nous sommes des néophytes. C’est le cas de la plupart des navigateurs participant à cette manifestation : tous les bateaux sont équipés pour le voyage et nous avons même gardé notre mouillage à l’avant !
Laï, un apprenti sénégalais de la voilerie du CVD, nous accompagne pour l’occasion. Il vit au milieu des voiliers, dort la nuit sur un bateau comme gardien et il n’a pourtant jamais navigué. Pour lui aussi, c’est une première ! C’est avec fierté qu’il tient la barre, prend ou relâche les écoutes. Nous ratons un virement de bord sur deux, Yves mène son équipe avec bien du mal et finalement se prend au jeu sur les derniers bords au près où nous doublons deux voiliers. Laï fait signe aux caméras sur la ligne d’arrivée. Il espère comme nous que la voile pourra se développer au Sénégal. Il souhaite aussi que la municipalité s’occupe enfin du problème de la pollution dans la baie de Hann, autrefois plage de rêve qui s’est gâtée par les rejets d’égouts et les monceaux d’algues. Dernièrement, ce sont des cadavres de poissons qui sont rejetés à l’eau depuis le marché.
Cette régate nous rend également enthousiastes, car Christal reste un très bon bateau pour le près et c’est ce qui nous attend sur la route pour les Açores.

Bien décidés
En regagnant les Açores, nous ne suivons pas la plupart des bateaux de voyage qui filent depuis l’Afrique vers le Brésil ou les Antilles en suivant l’alizé. Nous ne voulions pas traverser l’Atlantique pour prendre notre temps. Les Açores permettent une bonne escale avant de regagner la France.
Faisant fi des témoignages alarmistes concernant cette route peu pratiquée et réputée difficile, nous avons longuement écouté les récits de ceux ayant effectivement suivi ce parcours. Erwan, Stan, Guy, Emma et Loïc, nous rassurent et nous aident à imaginer ce qui nous attend : « les cinq premiers jours sont difficiles, après ça se débride », « ne pas faire taper le bateau », « ne pas regarder le cap au début, impossible de remonter », « compter trois semaines »...

Prépar’hâtifs

Nous profitons de la dernière semaine de mai pour nous préparer au départ. La météo annonce pour le moment des vents de nord assez forts et Yves pense que le départ n’est pas pour tout de suite. C’est également l’avis d’Olivier qui nous aide au routage depuis la France.
Le lundi, nous carénons, passage obligé pour les 1500 miles qui nous attendent. Après avoir longuement hésité, nous sortons le bateau de l’eau pour 24 heures pour le caréner. Les précédentes couches d’antifouling sont érodées et les coquillages parasites sur la coque méritent d’être éliminés. Christal monte donc sur la plage avec le chariot du CVD.
La peinture nous vient d’un fond de pot, elle est épaisse et refuse de s’étaler. Yves peste, mais après tout, cette peinture est anti-gouttes et nous sortons de cette épreuve avec un minimum de taches.
Yves vérifie gréement, moteur, taquets, drisses et écoutes, tandis que Julie arpente les rues de Dakar pour l ‘avitaillement.
Nous pensions avoir encore deux jours pour nous préparer quand un petit mail nous a réveillés au retour du marché Castor... On s’active donc : plein d’eau, de frais. Le couturier dispose de moins de 24 heures pour nous confectionner des coussins de cockpit, et dès qu’ils sont à bord...

... c’est le départ !
J1 : Dimanche premier juin à 13 heures, nous larguons les amarres.
Olivier nous propose de profiter des vents d’ouest pour remonter au nord le long de la côte jusqu’à Nouakchot. Cela nous paraît osé, car nous serons plus exposés aux vents forts du Cap Blanc, mais on tente.
Pour commencer, nous tirons des bords pour sortir de la baie, tirons des bords pour passer la pointe du Cap Vert.

J2 : Un long bord nous amène face à Saint Louis, c’est bien au sud de Nouakchot, mais notre cap est mauvais (30° au lieu de 10°). Au près avec le courant, on ne peut serrer plus le vent. La nuit se déroule sur une mer blanche de phytoplanctons, parmi les dauphins qui chantent et les chalutiers qui pêchent. Yves compte jusqu’à 8 bateaux et doit en éviter un qui se dirige vers nous et ne répond pas à la VHF.

On vire et ça bastonne
J3 : On vire de bord, cap au 270°, au près serré. La mer est agitée et on avance à 6 nœuds avec le foc et deux ris dans la grand voile. Yves prend le troisième ris pour la nuit et réduit le foc de moitié.

J4 : Ca mouille, ça tape, alors on abat. C’est toujours le rodéo et la douche dans 25 à 30 nœuds de vent. On reste dans la cabine la plupart du temps, et on s’attache pour sortir.

J5 : Pareil, météo-france est en grève et n’annonce que les coups de vent : force 7 sur le Cap Timiris, pas étonnant que ça bastonne ici ! Des fuites à l’intérieur du bateau nous minent le moral.

J6 : Ca adonne, Patrick le navik (notre régulateur) nous amène au 300°, c’est déjà mieux. Le vent se calme un peu et Yves enlève le ris dans le foc, il en laisse un dans la grand voile. Nous passons à 60 miles au nord de l’île de Sal.

Les vacances

J7 : Julie reprend la forme et se met à cuisiner, les vacances commencent. Nous voici à 100 miles au nord de Mindelo.

J8 : Cap au 330°, 10 à 15 nœuds de vent, le génois est ressorti au 2/3.

J9 : On se détend à bord, nous dévorons les livres et prenons un porto à l’apéro : nous avons oublié les bières, malheur !

J10 : Julie sort l’accordéon, on chante à bord.





La pétole
J11 : Le cap est moins bon et l’anticyclone est annoncé sur météor, la pétole s’annonce. Nous n’avons pas d’informations météo précises car les grèves continuent sur RFI. Le soir, Christal avance à nouveau à merveille, Yves s’éclate au près sur une mer lisse.

J12 : Encore 666 miles pour Horta, et pétole d’enfer... Moteur le matin, moteur l’après-midi et dîner dans le cockpit.

Ras-le-bol
J13 : Après avoir affalé les voiles en fin de nuit, le vent reprend au nord, tourne à l’est puis au sud et Yves met le spi. Ca roule sur la houle de sud-ouest. Nous décidons de mettre le cap sur Santa Maria, au plus court car nous commençons à trouver le temps long.

J14 : Nous voyons un souffle de baleine au loin, mais elle n'ose pas s'approcher. Le vent tourne sud-ouest. Toute la journée sous spi. Nous passons le 30° nord et nous sommes toujours dans l’anticyclone.

J15 : Le vent vient d’ouest, on affale le spi après 48h non stop, une première sur Christal, car d’habitude on le retire la nuit. On avance entre 2 et 4 nœuds sous grand voile et génois.

J16 : Durant la nuit, nous voyons deux cargos, le trafic devient plus important dans le secteur. Grains le matin qui rincent le bateau de tout le sel et la poussière accumulés.

Pétole, moteur, misère tout l’après-midi... Heureusement que les dauphins tachetés viennent nous accompagner un petit bout de chemin.

J17 : Moteur, pause, moteur, pause : la mer est un miroir. Les voiles sont affalées, nous coupons le moteur et nous prenons une douche dans le cockpit en profitant du calme. Il nous reste 60 litres d’eau, plus question d’économiser...

Les 100 derniers miles
J18 : Le vent de sud-ouest nous permet de remettre le spi pour la matinée. Finalement, on l’enlève l’après-midi parce qu’on est déjà à 7 nœuds. La mer est agitée et nous n’avançons plus qu’à 5 nœuds sous génois. Nous le tenons jusqu’au soir où le vent mollit. Nous remettons le moteur pour les 30 derniers miles. Yves voit la terre à 22 heures 30.
C’est au milieu de la nuit que nous amarrons le bateau au port de Villa do Porto sur l’île de Santa Maria, heureux de retrouver la terre ferme, nous allons nous dégourdir les jambes et savourons le Saint-Estèphe qu’Alex nous avait offert au départ.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

belle traversée et beau récit.
vous devenez de vrais loup (et louve) de mer.
bisous
jc

marip a dit…

Bravo, on voit que le métier est rentré.
Bises et contente de vous revoir bientôt.