30 mai 2008

Un tour de l’Atlantique jusqu'en Casamance

Ce n’est pas pour rien que nous avions choisi cette région du sud du Sénégal, séparée du reste du pays par la Gambie, route obligatoire pour rejoindre Dakar au temps où le ferry ne fonctionnait plus après le naufrage du Joola.
En effet, cette région qui entoure le fleuve Casamance est peuplée par les diolas principalement, cultivateurs de riz pendant la saison des pluies, qui partent pour certains, chercher du travail en ville pendant le reste de l’année. Ils sont accueillants et d’une gentillesse incroyable. Ils disent souvent « le gouvernement nous a oublié » et ne ressemblent en rien aux rebelles indépendantistes coupeurs de tête.

En route pour la Casamance :
Nous quittons Dionouar et le fleuve Saloum au petit matin avec la marée. Un premier banc nous surprend à la sortie de Dionouar où nous avançons au moteur avec 0 cm de fond au sondeur et des petites vagues qui nous laisseront finalement avancer jusqu’à la passe d’entrée de Djifer, où tout se déroule dans les règles.
Au niveau administratif, nous sommes également en règle, et heureusement, car à 5 miles des côtes, une pirogue nous arrête : ce sont des douaniers qui doivent présenter leur carte devant notre mine étonnée, car rien ne les distingue des pêcheurs que nous rencontrons habituellement : pirogue bariolée, cirés, brasero... Deux agents montent à bord, pour vérifier nos papiers et notre chargement, c’est vite fait, leur départ nous soulage bien.
Les dauphins nous accompagnent pendant cette navigation. Au matin, nous voici en vue des premières bouées de la passe d’entrée. Nous suivons le parcours sans embrouilles et passons Djogué avec la marée montante, des dauphins noirs remontent le fleuve avec nous. Nous posons l’ancre à la pointe Saint Georges pour voir les lamantins qui n’ont pas pointé le bout de leur nez-trompette. L’accueil des pêcheurs est très sympathique « bienvenue en Casamance », « - besoin de quelque chose ? – oui des crevettes » et c’est avec une bonne poêlée de gambas à la mayonnaise que nous parcourons les 20 derniers miles pour Ziguinchor.



Les routards de la mer sont toujours contents de retrouver un peu de confort , et l’hôtel Kadiandoumagne nous réjouit avec sa piscine, son wifi qui émet jusqu’au mouillage et ses boissons fraîches. Les marchés de Ziguinchor nous permettent enfin de refaire un bon plein de produits frais. C’est la saison des mangues, un véritable régal.
Petite promenade touristique à la ferme des crocos de Djibelor. Nous avons de la chance car c’est l’heure du repas : poissons frais et chat écrasé au menu. Certains se précipitent, d’autres semblent s’endormir en mastiquant. C’est drôle un crocodile, ça semble affamé et il peut cependant rester plusieurs mois sans manger. Il suffit d’observer leurs rares mouvements au repos pour comprendre qu’il ne dépensent pas plus de quelques calories par jour.

Djilapao, tu iras par les eaux :
Maintenant bien renseignés et habitués à la navigation fluviale, nous pénétrons dans les petits bolons, les yeux rivés sur le sondeur, en rasant les palétuviers à l’extérieur des virages. Au passage, nous tirons un pêcheur, Esprit, oui, c‘est bien son prénom ! Il revient au village à la rame avec ses pains de glace depuis Ziguinchor dans sa pirogue taillée dans un tronc de fromager.
Le calme de Djilapao nous séduit instantanément. Petit village de cultivateurs de riz, accessible uniquement à pied ou en pirogue. Les rôniers et les baobabs bordent la plage et ils sont toujours quelques villageois à venir travailler au frais au pied des arbres en discutant : les uns fabriquent des paniers, les autres ouvrent les huîtres ou filtrent le sel.

Nous descendons à terre pour rencontrer Cirak, septuagénaire en forme qui habite la case située en face du bateau, notre voisin en somme. Il nous raconte le problème de l’eau au village, car il n’y a ni puits, ni impluvium. A Katama, le quartier voisin, à dix minutes de marche, on récupère l’eau de pluie dans une grande citerne et le village utilise cette eau toute l’année. Ciriak nous parle de l’exode rural : les enfants partent à la ville pour l’école et ne reviennent chez eux que pour les vacances, les jeunes adultes partent à Dakar ou à Ziguinchor pour trouver du travail. Il ne reste alors au village que les touts-petits et les anciens. C’est à la saison de l’hivernage (saison des pluies, pendant notre été) que tout le monde revient pour la culture du riz.
Désiré nous fait visiter la case à étage de son oncle, entièrement décorée par des sculptures en terre peintes. Il nous raconte les anecdotes de chaque tableau avec beaucoup d’humour et de charisme.

Le lendemain, en allant vers Katama, nous marchons à travers les rizières avec Ignace, qui nous présente son village et sa famille, Jeanne d’Arc, sa femme et Hélène-Florence, et Stéphane, ses enfants. Sa maison est en terre avec un toit de paille sans eau ni électricité. Il élève quelques bœufs, des poules. Il est satisfait de sa situation, car il a essayé sans succès de trouver un travail à Dakar avec son brevet de tourneur. Nous passons avec eux de très bons moments avec de nombreux échanges très riches au sujet de la vie en Casamance.



Ignace nous fait goûter ce savoureux fruit que nous ne connaissions pas, les pommes de Cajou, fruit de l’anacardier.


















Jeanne d’Arc nous invite aux communions de ses neveux au village d’Affiniam, situé à 20 minutes en annexe et 45 minutes de marche. C’est un grand bourg avec 5 quartiers, au milieu d’une forêt de manguiers et de fromagers de 30 mètres de haut. Une grande fête qui commence à l’église, continue chez les sœurs, puis dans la famille, à manger et boire le vin de palme, puis dans une autre famille.... Et ça danse et ça rigole en buvant plus qu’il n’en faut le fameux bounouk.







On repart avec des mangues et plein de remerciements.


L’école publique du village d'Affiniam accueille environ 400 enfants avec un effectif de 40 par classe (il semblerait que certaines classes peuvent atteindre 100 enfants à Dakar). Les instituteurs sont souvent en débrayage car il sont peu payés ou reçoivent leur salaire en retard. Les élèves seraient heureux d’avoir des « jumeaux » en France et nous faisons le premier pas pour un jumelage avec l’école de Vallorcine. A eux de continuer en correspondant par courrier postal, car ici, pas d’électricité encore moins internet.

Descente de la Casamance et touchette:
Après un petit avitaillement à Ziguichor, on redescend le fleuve Casamance avec la marée descendante. Il nous faudra trois marées pour y parvenir en évitant le courant contraire.
Deux escales donc, dont une dans un minuscule bolon au coeur de la mangrove. La tranquillité est assurée, nos voisins sont un couple de pélican et la seule visite est celle d’un pêcheur venu à la nuit tombante, récupérer son filet. La deuxième escale est plus animée devant le village des pêcheurs de la pointe Saint Georges (ou Sozor). Les dauphins passent devant le bateau, tournent autour des viviers et font même peur aux pêcheurs en sautant à deux mètres de leurs pirogues.
Lorsque nous arrivons à proximité de Karabane, le bolon d’Elinkine se présente à nous et Yves décide de tenter d’y entrer pour trouver un mouillage abrité. La passe n’est pas évidente car elle se situe dans un large delta. Le sondeur indique que les fonds remontent, on tente malgré tout d’avancer, pensant trouver un seuil. En réalité, nous sommes sur un banc de sable et voilà notre première touchette ! Demi-tour au moteur. Nous allons mouiller devant le village de Karabane, dans trois mètres d’eau.

Paco de Karabane :
A l’entrée du fleuve Casamance, l’île de Karabane est coupée du monde depuis que le ferry n’y fait plus halte. C’est un ancien village colonial avec une église et un cimetière.

















C’est aussi un village de pêcheurs avec quelques équipements hôteliers.
Diaz nous invite à prendre le thé. Après, il partira pêcher au milieu du fleuve avec sa pirogue à la rame. Il espère que le vent ne sera pas trop fort.






Et partout dans le monde, le grimpeur trouve son bonheur : le fromager est un terrain de jeu idéal.


















C’est ici que Paco de Karabane, le célèbre tailleur local, nous confectionne une nouvelle tenue pour le capitaine du navire.

On ne reste que deux jour à Karabane, car le vent est fort à l’entrée du fleuve. Ce mouillage ne nous plaît guère : on se fait mouiller à chaque sortie en annexe.


Kachouane, le bolon à la mode...

Nous choisissons le bolon de Kachouane plutôt que le bolon d’Elinkine pour continuer. C’est un peu compliqué cependant : un banc de sable barre l’entrée du bolon et nous devons faire un détour à tribord pour longer ensuite la plage de la pointe Nikine à 15 mètres. Yves retrouve ses souvenirs du Golfe du Morbihan dans cette eau agitée par les courants.
Nous ne croisions plus beaucoup de bateaux en dehors de la capitale, Ziguinchor. A Ebounkout, nous trouvons un mouillage très fréquenté à 15 minutes de marche du village Kachouane. Aucune construction autour de nous, seulement une paillote pour la faim et la soif et une douche à l’eau du puits, le grand luxe.

Ehidj, le farniente
A Ehidj, nous nous retrouvons à nouveau le seul bateau habité du mouillage, nous sommes également dans un décor de rêve, à deux coups de pagaie de la plage devant un petit bar-restau.
Nous apprécions tellement le calme de cet endroit, que le farniente nous envahit. Nous sortons de notre torpeur pour un petit carénage et un coup de main à la réfection d’une toiture pour Yves. Julie, de son côté, va ouvrir les huîtres avec Rose.
Nous profitons d’une pirogue pour nous rendre à Cap Skiring par Katakalousse. En manque de ouèbe, nous voulons surtout trouver un point internet pour prendre la météo, car nous comptons remonter bientôt sur Dakar. C’est l’occasion de découvrir cette industrie balnéaire avec son club med et ses boutiques à toubabs. La plage est belle, le reste ne vaut pas le détour.

Une virée à Oussouye
Nous voici revenus à Kachouane et nous retrouvons de nouveaux bateaux. Un petit thé sur Kermodanève et nous décidons de partir le lendemain pour Elinkine en annexe. Guy nous recommande de prendre les gilets de sauvetage car c’est obligatoire et la police veille. Nous partons tôt et nous débarquons 3 miles plus loin, devant le campement d’Elinkine. Depuis cette ville, nous prenons un bus collectif qui traverse la brousse sur les pistes défoncées.
Les trous et les bosses donnent la nausée à une vielle dame et nous faisons une petite halte pour l’aider à reprendre ses couleurs.

Au retour, nous faisons du bateau-stop sur le bateau des Shadoks qui retournent au mouillage de Kachouane. Camille, Manu et leur gros chien naviguent sur un petit bateau de 8 mètres, comme nous, et il y a aussi un accordéon à bord.

Kachouane, on tue le cochon...
La veille de notre départ, un banquet sénégaulois est organisé par Emma et Loïc de Kalanag. A midi presque pile, le cochon est tué, découpé et cuit à la braise par Simon qui nous accueille dans sa paillote.
Après un bon repas tous ensemble, les jembés et les accordéons chantonnent et nous buvons le bounouk.

Retour à la case Dakar
Devant la difficulté que nous avons à quitter la Casamance, nous restons une journée de plus à Kachouane.
Au lever du jour, nous levons l’ancre et quittons Ebounkout. Au moteur, nous descendons le bolon à contre-courant. La passe d’entrée n’est pas agitée mais nous avons notre dose d’adrénaline lorsque le sondeur marque deux mètres sous la quille. Nous avons raté une bouée, c’est normal !
Le vent d’ouest puis nord–ouest est très léger et la pétole nous oblige à rallumer le moteur à plusieurs reprise. La nuit, nous affalons les voiles en attendant la risée qui n’arrive qu’après le lever du soleil. Dans ce petit vent, la pêche est bonne : après deux bonites dans la journée, on remonte la ligne. Le soir à 21 heures, nous ne sommes qu’à 20 miles de Dakar, nous tirons au près des bords carrés à cause du courant de marée. Et puis c’est à nouveau pétole et moteur. A 4 heures du matin, nous posons l’ancre au mouillage du CVD.
A Dakar depuis une semaine, nous préparons le bateau et l’avitaillement pour le retour vers les Açores les prochains jours. C’est bientôt l’été, les hirondelles remontent vers le nord.

5 mai 2008

Slalomant dans le Saloum

Le dédale des bancs de sable
Départ de Dakar un après-midi de pétole, on attrape vite ce qu’il faut comme vent pour avancer en sortant de la baie de Hann. Devant l’île de Gorée, nous testons notre régul’ sénégalais et constatons qu’il a la tête dure, il vire à tribord et ne sait pas garder un cap !
Après une nuit de navigation, nous traversons un champ de casiers et de filets avec ses rondes de pêcheurs en pirogues, c’est l’occasion de reprendre goût au slalom.
En vue de Djifer, nous suivons les instructions et longeons la côte à 50 mètres, car le banc se situe à l’extérieur de la passe. Quand le sondeur nous indique seulement 70 cm d’eau sous la quille, nous retenons notre souffle et attendons que les fonds remontent. Le château d’eau que nous avions pris comme repère n’était pas le bon...


Nous mouillons à Djifer et cherchons à comprendre le fonctionnement des marées. Nous observons la danse du bateau qui suit le courant, dans un sens, dans l’autre, au dessus de son ancre... Ce n’est pas le vent qui nous oriente mais le courant des marées. C’est ainsi que nous nous retrouvons balancés au vent de travers : la gîte au mouillage, ça n’améliore pas le confort...

Nous choisissons de remonter le fleuve en prenant la marée montante jusqu’à Foundioungne avec une pause à Girndha pour éviter les courants contraires de la marée descendante, environ 25 miles, où nous suivons les bouées qui marquent le chenal.



Sur le fleuve Saloum, nous naviguons à la voile ou au moteur suivant l’orientation du vent. Christal croise de magnifiques pirogues, elles aussi à la voile ou au moteur. Nous arrêtons parfois ces pêcheurs en pirogue pour leur acheter du poisson.


Bain de folklore sénégalais
Ici peu de bains dans l’eau, nous regrettons les eaux cristallines du Cap Vert. Il n’est en effet pas facile de se baigner dans le fleuve Saloum : eau saumâtre, boueuse, courant fort qui nous nager sur-place, il est préférable de ne pas s’arrêter pour rester près du bateau.

C’est donc auprès des villageois que nous prenons notre « bain de culture locale ».


A Ginrdha, nous goûtons pour la première fois à l’excellent pain cuit au feu de bois. A Foundioungne, nous sommes invités à prendre le thé par Kéba pendant la séance de tresse des femmes de la famille. Sœurs, mère, cousines, tantes de Kéba, elles bavardent à nos côtés, à l’ombre dans la cour où sont rassemblées leurs demeures. Nous sommes assommés de chaleur et dégustons ce thé avec plaisir après plus d’une heure de
préparation, le protocole est assez long...
Kéba nous amène en charrette à Mbam pour le tournoi de lutte. C’est le sport national au Sénégal. Après de multiples rituels et tours de pistes, les athlètes s’affrontent deux par deux au rythme du djembe, encouragés par les chants des femmes.


Les enfants ont les yeux qui pétillent à notre arrivée dans un village.
Nous sommes rapidement au centre d’une émeute de petits riant et nous appelant de leur voix aiguë « toubab ! toubab ! ». Ils nous réclame des cadeaux. Sachez qu’ici, les pots de yaourt vides retrouvés dans notre poubelle sont un véritable trésor.

Au village de Gagué, nous sommes accueillis par une famille de paysans.
Passage au puits, où on attend le troupeau à l’ombre d’un baobab.


Association des femmes du village qui pilent le mil pour remplir la cagnotte et se payer de jolies tresses.

Nous sommes invités manger le tiboudienne dans deux maisons à la suite. Sieste sous le manguier avec le chef de famille, les enfants... Pascal nous fait part de son rêve d’immigration : il est paysan et aussi chauffeur mais ne trouve pas d’emploi. On nous offre des mangues et nous repartons, en charrette : ici, l’hôte raccompagne son invité !

Au cœur de la mangrove


Pour les promenades dans les petits bolons, rien de tel que la pirogue, avec ses 30 cm de tirant d’ea
u, elle passe partout (enfin presque !). Nous sillonnons la mangrove depuis Dionouar jusqu’à Niodior, labyrinthe végétal et aquatique. Lamine nous enseigne comment pêcher la carpe rose, la pêche est bonne et nous pouvons ensuite la savourer en grillades au pied du baobab sacré sur la plage de Niodior.




Tel un repas du dimanche en famille, après le trou normand, alors que tout le monde a le ventre plein, on nous apporte le poulet yassa, un véritable délice, comment ne pas refuser ! Pour le dessert, noix de coco fraîchement cueillies sur l’arbre par un enfant du village. Ici les invités ne repartent jamais le ventre vide.








Au retour à marée basse nous nous échouons sur un banc de sable et poussons la pirogue sur à peu près 100 mètres pour retrouver du fond.

A l’approche de la saison des pluies, la chaleur devient de plus en plus intense. Nous sommes venus chercher le soleil, nous l’avons. La température monte jusqu’à 38°c dans le bateau. L’après-midi, nous dégoulinons en restant immobiles, nous bronzons à l’ombre et même notre peau ultra-bronzée arrive encore à prendre des coups de soleil.

Bientôt la Casamance où il fait encore plus chaud, avant de reprendre la route vers le nord.